L’origine du gaz d’éclairage à Aix
 
A Aix, en 1838, l’éclairage au gaz est une affaire de pionniers avant de participer au mouvement capitaliste.
Il est intéressant de comparer comment le journal décrit ces pionniers développant des expériences de laboratoire, à quarante ans d’écart. Nostalgie, nostalgie.... (voir article ci-dessous).
 
Pour compléter l’information scientifique, il est utile de consulter sur le site du CNAM les comptes rendus de l’exposition universelle de 1855 consacrés à l’éclairage au gaz.
 
 
 
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Eclairage au gaz de marc d'olives
Version 1837
 
 
“Un journal de Marseille annonçait il y a quelques jours, que deux jeunes gens de notre ville étaient parvenus, après de longues et habiles études, à extraire du gaz du résidu ou marc des olives, vulgairement appelé grisons.
Cette découverte pourrait avoir pour le midi d'immenses et de précieux avantages : aussi regardons-nous comme un devoir et comme une oeuvre de patriotisme d'enregistrer le succès obtenu par MM. Blondeau et Philips. (...) Le gaz obtenu par ces messieurs possède tous les avantages du gaz extrait de la houille, sans être grevé des mêmes inconvénients (...) Enfin, l'abondance dans ces pays et le bon marché de la matière que MM. Blondeau et Philips emploient, ne font qu'augmenter l'importance de leur découverte, et les profits que tout le midi pourra en retirer.
Ces messieurs ont obtenu pour exploitation du procédé qu'ils ont découvert un brevet d'invention, dont la durée est de cinq ans. Leur intention est de faire jouir la ville d'Aix, la première, des avantages et des fruits de leur découverte. Jeunes et étrangers autant par leur âge que par leurs habitudes à toute idée de spéculation et d'industrie, ils n'ont pas craint de se lancer dans une entreprise de cette nature ; félicitons-les sincèrement de cette audace, et espérons que les encouragements et l'appui de l'autorité et des habitants ne leur manqueront pas. Pour l'autorité, ce sera une belle occasion de prouver que la ville d'Aix, qu'on accuse de se traîner dans l'ornière de la routine et des vieilles habitudes, ne veut pas rester étrangère à toutes les idées de progrès et d'industrie.”
(Le Mémorial d’Aix, 1837-12-16)
 
Les Aixois et la révolution industrielle
 
Adduction d’eau    Transports     ÉCLAIRAGE    Manufactures     Photographie    Télécommunications  
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Eclairage au gaz de marc d'olives
Version 1879
 
 
 
“(...) Quatre personnes seulement connaissaient l'origine et la cause véritable de l’introduction de l'éclairage au gaz à Aix ; MM. Blondeau, ancien professeur de physique au collège d'Aix, Bourgnier, pharmacien, le docteur Savournin, morts tous les trois, et l'auteur de ces lignes, qui ne veut pas mourir sans avoir raconté cette histoire.
 
Il y avait, en 1835, un jeune Aixois suivant les cours de physique et de chimie de M. Blondeau au collège, qui avait de bonne heure le goût des livres. En lisant le Mercure de France du 15 août de cette année (...)  il avait remarqué une découverte qui le frappa (...) des anglais avaient soumis à l'analyse des débris de noyaux d'olives, et il était résulté de cette expérience la production d'un gaz hydrogène carboné d'une propriété éclairante équivalente sinon supérieure à celui extrait du carbone fossile.
Le collégien communiqua l'article et ses impressions à son professeur. Celui-ci, qui était Normand, connaissait mieux les pépins des pommes de ses vergers que les noyaux provenant des vergers d'oliviers de la Provence. Il accueillit pourtant la communication avec la bienveillance qui le caractérisait, et, sur sa demande, son élève lui apporta du grignon ou marc d'olives, détritus provenant de la trituration et de la pression de la baie oléagineuse pour en extraire l'huile.
 
M. Blondeau examina cette matière terreuse et noirâtre qui lui était inconnue, et la soumit à différentes analyses, (...). Il finit par se décider à tenter l'essai de la distillation du grignon en vases clos, pour en extraire le principe combustible.
Un petit appareil fut commandé sur le modèle de ceux destinés à la préparation du gaz de la houille. Le fourneau, le générateur, le gazomètre et tout l'outillage en miniature furent installés dans le cabinet de physique et de chimie du collège situé alors au premier étage au-dessus de la chapelle. (...)
 
Le jour solennel de l'expérience arriva. Quelques rares élus avaient été admis, ceux qui étaient le plus dans la confiance du maître (...)  On était à la veille du grand œuvre ; on se parlait à l'oreille, plein de mystère, de croyance et d'espoir. Le feu fut mis au fourneau. Une flamme pétillante ne tarda pas à embraser le combustible et à entourer le générateur d'un cercle ardent. Le futur docteur Savournin et le futur pharmacien Bourgnier, qui fut plus tard un chimiste de mérite, tisonnaient le foyer.
(...)
Le professeur se promenait dans le laboratoire, non sans quelque anxiété, et s'arrêtait de temps en temps devant l'appareil en fonctions, comme pour en interroger le travail intérieur et en sonder les arcanes. M. Blondeau était blond comme son nom. Un rayon de soleil illuminait sa chevelure, lui donnait une apparence de nimbe, et il avait tout à fait l'air d'un de ces alchimistes inspirés du moyen âge, représentés dans les vieux tableaux flamands, qui, penchés sur leurs cornues ténébreuses, ou suivant les capricieuses spirales de l'alambic, attendaient l'épanouissement de la pierre philosophale.(...)
 
Lorsqu'on jugea que l'oeuvre de la distillation terminée, le fluide éclairant était produit, on le fit passer par le bain et les épurations obligées, et il fut recueilli, sous l'eau dans le petit gazomètre qui éleva triomphalement sa cloche métallique dans l'air au milieu du petit cénacle joyeux des adeptes qui battaient des mains avec transport. La démonstration concluante restait à faire. Le maître ouvrit le robinet avec respect et approcha une allumette, tremblant d'émotion. Le gaz s'enflamma, et se mit à briller gaiement comme un petit papillon bleu clair qui agitait ses ailes. (...)
 
M. Blondeau avait un ami qu'il associa à ses nouvelles tentatives. C'était M. Philip, (...) qui s'occupait en amateur de physique expérimentale, et possédait un cabinet dans sa maison rue Villeverte. C'est là que fut transporté le nouveau champ des expériences. On y installa un appareil dans des proportions beaucoup plus considérables. (....)
 
Aujourd'hui, Aix possède une usine à gaz dans les meilleures conditions d'installation, et, avec tous les appareils et tout l'outillage perfectionnés par la science. Mais il nous a paru piquant de rappeler l'origine de cet établissement au moment de la mort du regretté M. Blondeau, et de faire remarquer, par un souvenir de collégien, combien les petites choses ont souvent de grands effets. L'auteur de ces lignes possède encore le numéro du Mercure de France, où il est question de l’extraction du gaz d'éclairage du grignon ou marc d'olives qui a servi à la préparation de l'huile.”
(Le Mémorial d’Aix, 1879-01-05)