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1868. La Belle Hélène
 
“La Belle Hélène d’Offenbach a été montée et représentée à la satisfaction générale. Les gens de goût voient avec peine la marée montante de l'opérette et de l'opéra-bouffe, genres bâtards qui, pour le fond du scénario et la forme du poème et de la musique, indiquent une époque de décadence. Mais c'est le goût de l'époque ; il faut le déplorer tout en laissant passer la vogue éphémère, et en regrettant qu'un talent, fin et gracieux comme celui d'Offenbach, soit gaspillé dans des oeuvres qui vivront ce que vivent les roses. Les directeurs sont obligés aussi de, sacrifier à la mode du jour, car les pièces de cet acabit sont les pièces à succès.
La Belle Hélène a réussi. Pourtant, des sifflets intelligents ont protesté, à la fin, au nom du bon goût et de l'art offensés. L'oeuvre a été parfaitement interprétée. Elle renferme des détails musicaux charmants, qui ont été heureusement rendus (...)
Mise en scène agréable. Orchestre sautillant et pétillant ! Voilà plus qu'il n'en faut pour la réussite (...)”
 
(Le Mémorial d’Aix, 1868-11-22)
 
 
“(...) Pour nous, quoiqu'on dise que le succès oblige, nous nous voyons obligé de persister à protester, au nom du bon sens et du bon goût de la province, contre un genre dramatique et lyrique, exalté à Paris, qui est l'inauguration de la décadence, de l'affaissement, de l'abâtardissement de l'art. Çà peut plaire aux Parisiens, qui se complaisent dans bien d'autres extravagances et bien d'autres cocasseries ; ça peut être applaudi par le demi-monde, le quart de monde et même par tout le monde ; nous persévérons, comme Caton, dans notre horreur pour ces aberrations déplorables.”
 
(Le Mémorial d’Aix, 1868-12-06)
 
 
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1868. La Vie parisienne
 
“Si La Vie parisienne était telle que le montre M.Meilhac et le serine Offenbach, dans un scénario sans issue, avec accompagnement de grosse caisse et de beaucoup de cuivres, ce serait à faire douter et à dégoûter des moeurs, habitudes, us et coutumes de la capitale du monde civilisé. Heureusement il n'en est pas ainsi. Les deux frères siamois de la bouffonnerie dramatique et lyrique ne nous ont exhibé que le dessous du panier. (...)  C'est une espèce de parodie burlesque, une mascarade bruyante, un véritable mardi gras théâtral (...)
Peut-il y avoir des gens qui aiment ces aberrations de l'art, si l'on peut toutefois donner le nom d'art à ces saturnales du mauvais goût, à ces orgies intellectuelles, marquées au stigmate de la décadence, de la dégénérescence et de l'abâtardissement de l'esprit public !
(...). Ainsi, on aura beau vanter le succès de ces pièces amphibies et saugrenues, qui ont eu une vogue malsaine pendant l'exposition universelle, nous ferons nos efforts pour nous préserver de cette épidémie intellectuelle, et la critique départementale emploiera les réactifs les plus puissants, les caustiques les plus énergiques pour neutraliser ce polype rongeur qui menace de tout envahir dans la société.
Notre horreur instinctive pour ce genre, que nous appelons une vraie déchéance, et qui fait hérisser notre plume, ne nous empêche pas de reconnaître, qu'à défaut de comique de bon aloi, il y a dans la Vie parisienne des drôleries qui font rire, et que le troisième acte est désopilant.
Quant à la partition, elle nous a paru faible de constitution, pâle, rachitique et d'une monotonie désespérante. Offenbach, à défaut de l'inspiration du sentiment, a d’habitude de l'esprit qui pétille souvent comme du vin de Champagne. Ici, nous ne trouvons plus que de la piquette d'Offenbach, de l’Offenbach éventé !
Ajoutons que cette bouffonnerie a été montée avec soin à Aix ; avec plus de soin qu'elle n'en mérite ! (...) tout est allé pour le mieux dans le plus cocasse des mondes possibles”.
 
(Le Mémorial d’Aix, 1868-12-20)
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1869. Orphée aux Enfers
 
 
“(...) Il n'y a guère de population flottante à Aix, et les spectateurs sont presque toujours les mêmes. Eh ! bien ces spectateurs sont las de voir toujours les mêmes pièces, quelque bien rendues qu'elles soient, paraître sur l'affiche et sur la scène. L'ennui naquit un jour de l'uniformité est un vieil axiome qui sera toujours vrai en toutes choses.
(...) . L'opérette est à l'opéra ce que le malfaisant petit verre est au vin bienfaisant. L'abus de l'opérette comme celui des liqueurs fortes est un signe de  décadence. C'est le produit d'une civilisation au déclin. I1 nous ramènerait insensiblement aux exhibitions d'histrions et de mimes du temps de la corruption romaine où le peuple-roi n'était plus que la plèbe des quémandeurs du panem et circenses !
(...) On comprendra d'après les réflexions qui précèdent combien la représentation d'Orphée n'a guère eu nos sympathies.
(...) Nous rendons justice à la manière dont cette machine théâtrale a été montée et interprétée, (...) à nos artistes, aux décors, aux flammes de Bengale sans oublier l'étalage des défroques mythologiques exhumées de l'oubli ! Mais le moindre grain d’esprit ou de véritable musique eût bien mieux fait notre affaire que cette musiquette sautillante, ces vieux habits, ces vieux galons, et ces imbroglios scéniques où il n'y a que des rimes plus ou moins bonnes au lieu de raison.”
(Le Mémorial d’Aix, 1869-12-26)
 
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1869. Barbe Bleue
 
“Nous avons formulé notre opinion d'une manière assez explicite sur l'opérette en général et sur le genre d'Offenbach en particulier. Nous ne reviendrons pas sur ce thème à propos de Barbe Bleue, de crainte de nous voir accuser de redites. Barbe Bleue a la même tache originelle que les autres productions de cette école. Quelques motifs gracieux et une musique facile ne sauraient racheter les bouffonneries et les turlupinades au milieu desquelles ils sont noyés.
La pièce a été montée avec soin et interprétée avec succès.
 
(Le Mémorial d’Aix, 1869-01-17)
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1870. La Périchole
 
“Il est regrettable que notre charmante dugazon, Mlle Marcel, ait eu la malencontreuse idée de monter une opérette bouffe pour son bénéfice. Nous l'avons dit cent fois et ne cesserons de le dire, ce genre ne réussira jamais à Aix, où le moindre petit grain d'opéra fera toujours mieux l'affaire du public que le plus beau chef-d'œuvre d'Offenbach, si toutefois on peut appeler de ce nom ce qui sort du cerveau de ce compositeur excentrique.
L'exécution de la pièce a été satisfaisante. On a vu aisément que la bénéficiaire n'avait rien négligé pour rendre cette représentation aussi attrayante que possible.
Dans le rôle de la Périchole, celui qui a donné le nom à la pièce, Mlle Marcel a obtenu un succès de bon aloi, car elle s'y est montrée excellente comédienne et chanteuse de mérite. Elle a été surtout très applaudie après l'air de la lettre, qu'elle a dit avec un goût et une expression remarquables. De nombreux bouquets et une belle couronne en laurier doré lui ont été offerts par le public, heureux de témoigner à cette dame, les sympathies que depuis deux ans elle s'est acquises à Aix.”
(Le Mémorial d’Aix, 1870-03-06)
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1869. Le critique aixois est heureux de partager le bon goût des WASP
 
Il ne ferait pas bon, en ce moment, pour Offenbach, habiter Washington. Dans cette rigide cité, la Grande-Duchesse perd ses droits, et l'on met au violon la Belle-Hélène.
Des artistes français, spécialement engagés pour jouer l'opérette, y ont été arrêtés et emprisonnés, aux termes d'un mandat portant que les pièces de ce genre n'étaient qu'une série d'obscénités.
Bientôt, cependant, on a relaxé les comédiens ; mais le théâtre où ils devaient paraître a été fermé.
(Le Mémorial d’Aix, 1869-03-07)
 
Les Aixois sont divisés : pour ou contre Jacques Offenbach ?
 
 
A partir de 1868, six parmi les oeuvres les plus importantes de Jacques Offenbach sont jouées au théâtre du Jeu de Paume et sont accueillies avec enthousiasme par le public.
 
Le critique du “Mémorial d’Aix”, lui se veut imperméable à l”offenbachmania (consulter ci-dessous la critique des oeuvres jouées à Aix entre 1868 et 1870 : “La Belle Hélène”, “La Vie Parisienne”, “Orphée aux Enfers”, “Barbe Bleue”, “La Périchole”). Pourtant, les défauts relevés chez Offenbach sont regardés comme des qualités chez les auteurs du Fils de Thésée. Ce critique va jusqu’à regretter “qu'un talent, fin et gracieux comme celui d'Offenbach, soit gaspillé dans des oeuvres qui vivront ce que vivent les roses...” (Le Mémorial d’Aix, 1868-11-22)
 
La postérité lui a donné tort puisque ces oeuvres continuent d’être jouées avec succès de nos jours. Michel Plasson, vers 1970, les a enregistrées en dirigeant les chanteurs de l’opéra de Paris, dont Régine Crespin, Robert Massart et Alain Vanzo. Récemment, “La Belle Hélène” et “Orphée aux Enfers” ont même eu le droit à une programmation dans le cadre du festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence.
 
Les loisirs et la vie culturelle des Aixois
 
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